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René-Guy Cadou
Moineaux de l'an 1920
[fragment final]

Je suis debout dans mon jardin à des kilomètres de la Capitale
Je retrouve contre la joue du soir l'inclinaison natale
Les oiseaux parlent dans la haie
Un train sans voyageurs passe dans la forêt
Et ma femme a cueilli les premières ficaires

Quelques-uns de ceux que j'aime sont assis dans des cafés littéraires
Je ne les envie pas ni les méprise pour autant
Mon chien s'ennuie
Et c'est peut-être le printemps
Et tout à l'heure je vais jaillir du sol comme une tulipe
Vous achevez vos palabres aux Deux-Magots ou bien au Lipp
Je monte dans ma chambre et prépare les feux
J'appareille tout seul vers la face rayonnante de Dieu

Ah ! croyez-moi je ne suis pour rien dans ce qui m'arrive
J'ai vingt-neuf ans et c'est un tournant suffisamment décisif
Je connais vos journaux et vos grands éditeurs
Ça ne vaut pas une nichée de larmes dans le cœur

Abattez-moi comme un ormeau domanial au bord de la grande forêt rouge
Vous ne pourrez rien contre ce chant qui est en moi et qui s'échappe par ma bouche
Que m'importe l'interdit des lâches et que mon Lied ne soit jamais enregistré
Il est porté par le bouvreuil et l'alouette jusqu'à la haute cime des blés

Buvez quand même ô fils ingrats ! buvez
Mes larmes et dans l'instant désaltérés
Crachez sur moi
Crachez bien droit
Comme des hommes
Cadou s'en moque.

René-Guy Cadou, Hélène ou le règne végétal, 1949.

 

Commentaire de ce poème, par Daniel Lefèvre, dans le fichier ci-dessous :

Etude d'un extrait du poème.

René-Guy Cadou
Tag(s) : #poète du 20e siècle, #école de Rochefort
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